CHAPTAL Léonie (1873-1937)
Née le 6 janvier 1873 à Cosnes-d'Allier (Allier), morte le 28 mars 1937 à Paris ; infirmière, directrice d'une école d'infirmière à Paris puis de l'École d'application de service social (1927).

Une formation aux soins
Neuvième enfant d'un père issue de la noblesse d'empire et d'une mère descendante de banquier russe, Léonie Chaptal grandit dans la haute bourgeoisie et aristocratie catholique où l'on confie son éducation à un précepteur. « Studieuse et réfléchie » [Peltier, 1938, p. 11], son instruction sera surtout complétée par les liens familiaux avec le foyer d'Hippolyte Taine, critique littéraire, psychologue et historien de renommée mondiale. Puis, son désir d'œuvrer pour les enfants et les femmes pauvres durant la villégiature de sa famille à Fontainebleau, va l'aider à développer une vocation sociale. Elle œuvrera aussi à Plaisance dans le XIVe arrondissement de Paris, auprès du docteur Ancelet, à « L'Assistance Maternelle et Infantile » et à « La Société Anonyme des logements insalubres ». Léonie Chaptal acquerra par la suite une stature plus solide en obtenant, en 1899, le diplôme de dame infirmière surveillante du 1er degré de la Société des secours aux blessés militaires. Elle continuera à se former en passant un brevet de capacité pour l'enseignement primaire de l'Académie de Paris en 1902. À l'automne de cette même année, elle s'inscrira à l'École municipale d'infirmiers et d'infirmières de l'hôpital de La Pitié. De son premier jour dans cet établissement, elle se souvient « de l'œil inquiétant du concierge » qui lui a demandé : « Avez-vous le certificat d'études ? … Non, mais le brevet supérieur peut-il remplacer ?… le fonctionnaire griffonne… Vous êtes inscrite. Numéro 116. » [Magnon, 1991, p. 127] Léonie Chaptal s'engagera donc à suivre avec assiduité tous les enseignements jusqu'à l'obtention de son diplôme le 28 juillet 1903.
Un travail associatif
Le parcours professionnel de Léonie Chaptal est à chercher dans ses activités associatives. Elle savait déjà à la sortie de sa formation à La Pitié que les « … écoles municipales du docteur Bourneville … ne [sont] ni suffisante[s], ni adaptée[s] » [Magnon, 1991, p. 42] aux besoins. Elle décidera alors d'œuvrer pour les tuberculeux adultes en ouvrant un dispensaire dans un ancien local de marchand de vins. « C'est là [en 1903] que commence[ra] vraiment son histoire » [Peltier, 1938, p. 17]. Parallèlement, elle enseignera jusqu'en 1904 dans un établissement libre de jeunes filles (cours Valton) installé rue d'Assas dans le VIe arrondissement de Paris. Puis en 1905, elle prendra en charge la direction d'une école d'infirmières, appelée la Maison-école, située rue Vercingétorix dans le XIVe arrondissement. Elle y formera des élèves de première classe autrement-dit des infirmières et des élèves de seconde classe, c'est-à-dire des gardes-gouvernantes. À ce travail de direction viendra s'ajouter, à partir de 1913, une participation au Conseil supérieur de l'Assistance publique. Léonie Chaptal se lancera également dans l'élaboration de trois lois. D'après sa secrétaire, Madeleine Peltier, Léonie Chaptal concourra à l'élaboration de la loi Paul Strauss du 17 juin 1913, sur les femmes en couches, aux préparatifs de la loi Léon Bourgeois du 18 avril 1916 sur la création des dispensaires d'hygiène sociale pour lutter contre la tuberculose et aux préliminaires de la loi André Honnorat du 9 septembre 1919 relative à la création de sanatoriums pour les tuberculeux. Malgré ce travail législatif, elle maintiendra son emprise directe sur ses activités de soin dans la mesure où elle fondera en 1924 l'Association nationale des infirmières diplômées de l'État français.
La guerre comme laboratoire du service social
Si les apports spécifiques de Léonie Chaptal concernant les soins infirmiers sont bien connus, sa contribution au service social, en revanche, l'est beaucoup moins. Pour comprendre son inscription au service social, il importe de remonter le temps et de la situer dans une œuvre, le « Vêtement du Prisonnier de Guerre », qu'elle présidera à partir de janvier 1915. C'est sur la demande du ministère de l'Intérieur que Léonie Chaptal se chargera d'approvisionner en vêtements les prisonniers civils, victimes de rafles et de retour d'Allemagne par la Suisse. Ces rapatriés qu'elle attendra à Schaffhouse, à Zürich puis à Fribourg aiguiseront sa sensibilité aux malheureux des hommes et des femmes. Elle découvrira « la misère sociale» des rapatriés. De ces scènes, elle se souvient notamment de « malheureux déracinés », de « paysans d'un grand âge qui s'expriment peu souvent dans un patois. » Elle témoignera aussi d'un convoi de deux cent soixante-six enfants au dessous de douze ans », de « familles de huit, dix, douze enfants », de « gens du Nord braves et dignes dans le malheur et dont tous les parents sont au feu ». Léonie Chaptal développera de l'empathie aussi bien envers les «pauvres vieux qui chancelle[ront] », qu'envers les « enfants de réfugiés [qui] ne [seront] pas en état de santé normale ». Elle apprendra aussi à saisir pendant la guerre les différents niveaux de vie des évacués ,avec d'un côté les « vilaines femmes » et de l'autre un « ménage aisé ». L'investissement de Léonie Chaptal au service de la population deviendra encore plus concret avec l'ouverture d'une école spécialisée en 1927.
Une école de service social
L'apport spécifique de Léonie Chaptal au service social sera assurément dans l'ouverture d'une École d'application de service social, annexée à la Maison-École de la rue Vercingétorix. Son objectif sera de « former solidement » [Bousquet, 1995, p. 88] des infirmières-visiteuses qui travailleront aux côtés des professionnels sortis des 4 ou 5 centres d'enseignement déjà existant. À l'École d'application de service social de Léonie Chaptal, les cours débuteront le 3 novembre 1927 avec la leçon inaugurale de M. Berthélémy, spécialiste des questions de l'enfance et doyen de la Faculté de droit de Paris. Ils se dérouleront sur deux ans. La première année sera consacrée à un enseignement sur l'assistance et l'hygiène sociale, tandis que la deuxième année sera plus spécifique. Les élèves choisiront entre les différentes disciplines du service social, le droit, l'économie, les assurances, la psychologie, la prophylaxie, la comptabilité ou encore l'organisation de l'assistance sociale à l'étranger. Pour être admises à l'École d'application de service social de Léonie Chaptal les élèves n'auront pas l'obligation de passer un examen d'entrée. Elles seront tenues toutefois de présenter un brevet supérieur de l'enseignement primaire ou un certificat d'études secondaires ou encore un baccalauréat. Elles s'engageront par ailleurs à payer des frais de scolarité de 100 francs par an pour les stages qu'elles suivront les matins dans des services d'assistance ou des œuvres sociales et pour les cours auxquels elles assisteront les après-midis.
La carrière de ces infirmières-visiteuses sera finalement consacrée par l'État qui instituera en 1932, un « brevet de capacité professionnelle permettant de porter le titre d'assistant ou d'assistante de service social diplômé de l'État français », cinq ans avant la mort de Léonie Chaptal.
PUBLICATIONS :
- 1904 a, « Une école d'infirmière en 1903 : Journal d'une élève infirmière », Revue des Deux Mondes, n° 15, janvier 1904.
- 1904 b, Comment aller aux pauvres ? », Comité de défense et de progrès social, n° 41, Besançon, Imprimerie De Jacquin.
- 1904 c, « Comment fonder une école ménagère », Comité de défense et de progrès social, n° 45, Besançon, Imprimerie De Jacquin.
- 1906, (reéd. 1922, 1925, 1936), Le Livre de l'Infirmière adapté de l'anglais d'après Miss Oxford, revue et augmenté de plusieurs chapitres, Paris, Masson et Cie.
- 1909, « Histoire d'un faubourg », Revue hebdomadaire, n° 15, mai 1909.
- 1913, « La possibilité d'une éducation de la santé par l'assistance privée » in Alliance d'hygiène sociale, Congrès de Paris, 14-15 mai 1913.
- 1914, « Le Mouvement social en 1914 », Revue hebdomadaire, n° 28, février 1914.
- 1919, Les rapatriés 1915-1918, Paris, Librairie Félix Alcan.
- 1924, « La profession d'infirmière », Revue des Deux Mondes, n° 15, janvier 1924.
- 1925, « Un congrès d'infirmières », Journal des débats politiques et littéraires, n° 22, avril 1925.
- 1926 (reéd. 1932 et 1947), Morale professionnelle de l'infirmière, Paris, A. Poinat.
- 1927, « Du rôle de l'infirmière visiteuse et de l'assistante sociale dans l'application des lois et des règlements d'assistance », in Rapport du VIIe Congrès national d'Assistance publique et privée, Nancy, Berger-Levrault.
- 1928, « L'infirmière visiteuse, étude critique à propos du livre de Miss Mary Sewall Gardner » in La Vie sociale en France et dans ses colonies, Strasbourg, Imprimerie populaire strasbourgeoise.
- 1934, « Enquête sur l'enfance en danger moral » in Rapport de la Société des nations ' Comité de la protection de l'enfance, Genève, Société des Nations.
SITOGRAPHIE :
http://www.mercylehaut14-18.fr/le-voyage-des-evacues-a-travers-l-allemagne-et-la-suisse-temoignages consulté le 6 octobre 2017.
SOURCES :
- Anonyme, « Léonie Chaptal 1873-1937 », Vie sociale, n° 3-4/1993, p. 31-35.
- Évelyne Diebolt, « Chaptal de Chanteloup Léonie Marie », in Évelyne Diebolt (dir.), Dictionnaire biographique. Militer au XXe siècle, Femmes, féminismes, Églises et société, Paris, Michel Houdiard, 2009, p. 81-86.
- Évelyne Diebolt, 2012, « Léonie Chaptal (1873-1937), architecte de la profession infirmière », in Recherche en soins infirmiers, n° 109 : 93-107.
- René Magnon, « Figures marquantes de l'histoire des soins infirmiers Léonie Chaptal 1873-1937 », Revue de l'infirmière, vol. 59, n° 160, 2010, p. 45-46.
- Corinne M. Belliard, L'émancipation des femmes à l'épreuve de la philanthropie, Paris, L'Harmattan, 2009, p. 190-194.
- Hervé Carbuccia, Chantal Eymard et Christian Roux, « Modèles professionnels et identification des élèves infirmiers(es) au début du XXe siècle en France », Sciences-Croisées, n° 2-3, 2008, p. 1-18.
- Évelyne Diebolt et Nicole Fouché, Devenir infirmière en France, une histoire atlantique (1854-1938), Paris, Publibook, 2014, p. 224-231.
- Yvonne Kniebiehler, Nous les assistantes sociales. Naissance d'une profession, Paris, Aubier-Montaigne, 1980, p. 21.
- Yvonne Knibiehler, Véronique Leroux-Hugon, Odile Dupont-Hess et Yolande Tastayre, Cornettes et blouses blanches: les infirmières dans la société française 1880-1980, Paris, Hachette, 1984, p. 112-115.
- René Magnon, 1873-1937 Léonie Chaptal : la cause des infirmières, Paris, Lamarre, 1991.
- Jean Morgan, Mlle Chaptal, le secret d'une vocation sociale, Paris, Beauchesne, 1941.
- Madeleine Peltier, Mademoiselle Chaptal, ses principales activités sociales, Paris, Spes,1938.
Corinne M. Belliard